Ce n’étaient que des squelettes, des éléments, des Tisseurs. Ils ne savaient rien, ne faisaient qu’exécuter leur tâche dans le vide. Et pourtant, de leurs gestes mécaniques, l’univers est né. La vie aussi. Alors, pour la première fois, ils furent délivrés de leur devoir. Ils virent ce que le monde avait à offrir.

Les sentiments.

Mais ceux-là sont à double tranchant. Parfois réconfortant, parfois blessant. Les premières sensations furent bouleversante. Certains découvrirent le bonheur, d’autres la peur, la surprise, la mélancolie. Leurs âmes, jusque-là figées, commencèrent à changer. Et sans vraiment comprendre pourquoi, ils eurent besoin de temps. Du temps pour comprendre, pour rire, pour pleurer. Et naturellement, la vie suivit son cours. Celle des Tisseurs aussi. Et alors, pour la première fois, ils tissèrent autre chose que des fils.

Des liens.

Certains baignaient dans l’amour, tandis que d’autres se noyaient dans la peine. Chacun de leur côté, ils découvraient enfin ce que c’était que d’avoir :

Un cœur.

Au commencement, seuls les Tisseurs de Monde demeuraient, égarés dans l'immensité du néant. Isolés dans leur solitude, ils tissèrent l'étoffe de l'univers. Chacun des fils renfermait la force  des éléments. Ensemble, ils les entrelacèrent dans un vacarme assourdissant pour n'en former plus qu'un. 
L'univers était né.
Pourtant bien que splendide, leur œuvre semblait incomplète ; une imperfection invisible persistait. Ils demeuraient seuls.
Mais un jour, sous une tension insupportable, le fil se rompit. Ce n'était qu'une simple brisure, un incident anodin qui était déjà survenu, mais cette fois-ci, cela semblait différent. Ce fil brisé portait en lui la promesse d'une fin, et le commencement d'une autre. Car là où le fil s'est rompu, quelque chose était né.
La vie.